samedi 15 juin 2013

DESIGN AU BANC - VIA - CENTRE POMPIDOU - JUIN 2013


J'ai été invité hier par le VIA et le Centre Pompidou dans le cadre de Design Au Banc - leur tribune conjointe sur l'actualité du design -, à porter une critique sur deux expositions se déroulant à Paris en ce mois de juin 2013.

La première était celle des frères Bouroullec au Musée des Arts Décoratifs.
Je n'ai que peu de chose à en dire : cette exposition fut terriblement ennuyeuse, perdue au vingt-et-unième siècle, occupant un espace et un budget que l'institution ou les designers auraient pu consacrer à autre chose… mais cela leur demanderait de se positionner hors de la commande.

La deuxième exposition était beaucoup plus problématique : il s'agissait d'En Vie à la fondation Electra (EDF).
Expo didactique et idéologique au service du storytelling de la biologie synthétique mise en scène à travers de multiples projets de designers, principalement anglo-saxons. En préambule, il fallait voir au sous-sol, le film de Carole Collet -commissaire de l'exposition- annonçant sérieusement "qu'avec 6 milliards de terriens, les manufactures du futur devront devenir des biofactures, à condition qu'on laisse se développer la biologie synthétique." !!! Elle ajoutait ensuite qu'évidemment "se poseront des questions d'éthique" et qu'on n'oublie pas la place du designer "quand tout deviendra programmable". On ne saurait trop la remercier de ce léger prologue sans fioritures. Que les indignés se rassurent, les questions techniques et morales seront prises en charge par ceux qui vous veulent du bien.
Ce qu'on voit ensuite est typique de ce genre de commerce de l'exposition : la compilation de toutes les subjectivités de designers qui s'expriment et donnent lieu à un projet. Chacun y va de sa bonne idée de transformation du vivant au service d'une humanité souvent restreinte. Le but c'est de nous sauver physiquement avec tous nos habitus et tous nos artefacts inchangés : que les abeilles fabriquent nos vases et nous serons sauvés. 
Et que les designers acceptent leur rôle : transformer la science en fictions puis en réalités.
Heureusement un projet abuse du dispositif et le détourne : c'est le cas de l'excellent Arne Hendriks qui propose de réduire l'homme pour résoudre les problèmes de ressources planétaires, dans un dispositif de start-up optimiste, qui présente un modèle de recherche par étapes où les verrous techniques et éthiques sautent les uns après les autres, dans un jeu d'accumulation des grandes obsessions de la validation scientifique. Grâce à lui seul dans cette exposition, la prospective se radicalise, le dérapage se fait "en toute sécurité": les spectateurs s'inquiètent enfin.
Cependant la faiblesse analytique d'une telle expo financée par EDF est symptomatique de l'incapacité des grands groupes à produire une prospective intégrant sa propre critique. Pour En Vie, il aurait été nécessaire d'opposer une approche écologique. Pour être critique il aurait fallu interroger la question des seuils en technique, il aurait fallu parler du vivant, de la difficulté à le maitriser, de l'impossible existence des cercles vertueux. De la prospective en tant que telle aussi, on aurait pu rappeler à quel point c'est un outil de propagande qu'on devrait soumettre au débat sur sa forme. Rappeler que la prospective est un bien commun et que les designers doivent revendiquer les moyens d'impliquer la collectivité dans son élaboration.

Design au Banc est une initiative intéressante qui permet de déconstruire les discours et les dispositifs conventionnés de l'exposition et du show. J'ai aimé entendre la critique formulée par les étudiants de Paris I (dirigés par Pierre-Damien Huygue) : lecture fine des dispositifs visuels et spatiaux de l'exposition. J'ai trouvé le public amorphe et les deux autres critiques plutôt dans la doxa du design pour revues de déco. Je crois que le débat doit être beaucoup plus vif. Que les postures circonstancielles doivent être mises en danger au moment où elles existent : une critique en temps réel, accolée au flux ininterrompu de l'événementiel. Pour le ralentir aussi.

jeudi 6 juin 2013

DESIGN AU BANC - CENTRE POMPIDOU - VIA

Parole au design
DESIGN AU BANC (18)

JEUDI 6 JUIN 2013, 19H, PETITE SALLE
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Décryptage de deux expositions visibles à actuellement à Paris : Ronan et Erwan Bouroullec : Momentané au musée des Arts Décoratifs et En vie, aux frontières du design à l’espace Fondation EDF, ainsi que de l’événement Designer’s Days (Paris) du 4 au 9 juin, abordé à travers trois objets choisis et analysés par chacun de nos trois critiques. Un groupe d’étudiants de la Sorbonne nous donnera son point de vue sur ces sujets.
Nos critiques présenteront également leur chronique en lien avec l’actualité : une réflexion sur l’impression 3D d’armes à feu A gun for fun d’Olivier Peyricot et un sujet intitulé Marseille 2013, entre réinvention et rétention traité par Yann Siliec. Maëlle Campagnoli se penchera sur le rapport entre le design automobile et l’univers domestique.
Avec Maëlle Campagnoli, journaliste, chef de rubrique design, Architectures à vivre, Olivier Peyricot, designer, Yann Siliec, directeur artistique et journaliste. Design au banc réunit trois critiques (journaliste, enseignant ou chercheur) et les invite à décrypter, dans le cadre d’une discussion ouverte, une sélection d’évènements significatifs dans l’actualité du design (expositions, livres, objets, architecture intérieure, etc…).
Modération : Michel Bouisson (VIA) & Romain Lacroix
En coproduction avec le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement)