PROCESSION
Nous sommes une cohorte. De près, une meute. Nous sommes de passage, nous bordons les pelouses. Les tondeuses font silence à l'approche de la masse, les habitants déjà installés se rassemblent sur leurs tracés mitoyens, nous pourrions les emporter.
Nous sommes les uns derrière les autres, c’est un plan de bataille. Les chants des uns couvrent les applaudissements des autres. Nos représentations ondulent dans le flux, nous passerons lentement, pour laisser des traces.
Au fil de nos pas, le quartier change de couleur, de forme, vire au rouge, vire au noir, contamine au reflet. Les mailles de coton tressées forment le tissu des drapeaux que l'on a teintés aux pigments naturels. Le soleil mord bien la couleur.
Une procession est une puissance est un agencement est une forme urbaine que les géomètres ne mesurent pas encore. La jauge du nombre est assurée par le volontaire plutôt que par l’officiel, les techniques de mesure diffèrent, à 20% de tolérance : le quartier a pourtant bien changé.
Marcher ensemble, sans s’interrompre, comme on déroule une pensée. Un raisonnement doublé d’un chant coulent dans la cité. Marchons.
La ville refuse et c’est l’insurrection. Elle nous acceptera donc, prendra notre forme, nichera dans nos méandres. On dira ville du premier mai, ville du chemin de croix, place du mât, quartier des assemblées, quartier de l'un dans l'autre.
La procession cultive au sol un limon, la procession délivre un air, éparpille sa chimie et disperse ses limites, toujours fluctuantes. Aux quartiers traversés le bénéfice des formules, des outils abandonnés, de l'accalmie.
Les riverains pensent : tiens, des gens qui passent et qui marquent le pas.
(texte extrait du fanzine F=F, Anne Chaniolleau & Olivier Peyricot)
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le 21 Février 2014 à l'École des Beaux Arts de Toulouse